web analytics

[portrait] Jean-Luc Jeannin

[portrait] Jean-Luc Jeannin

Qui est Jean-Luc

Les Jeannin habitent Cruis depuis 2016. Après un parcours atypique, très riche en expériences diverses, Jean-Luc a récemment été envoyé sur tous les fronts de la résistance au coronavirus en tant que cadre réserviste de la santé. C’est un peu de notre village qui a ainsi participé activement aux opérations de crise. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous raconte ce qui l’a mené là, et qu’il partage avec nous son vécu au contact de la maladie.

Un parcours étonnant

Né dans le Jura, à 14 ans il est déjà cuisinier, pâtissier, confiseur, chocolatier et glacier, formé à l’école de Gérardmer dans les Vosges. Après avoir travaillé dans plusieurs restaurants il devance l’appel du service militaire en tant qu’engagé volontaire et intègre les sapeurs-pompiers de Paris. Libéré à 20 ans, il choisit de persévérer dans cette voie en devenant sapeur-pompier professionnel à Fos sur Mer et à Arles où il reste 7 ans comme volontaire – et où il rencontre Fabienne : ils auront 4 enfants, dont Magali que les usagers du bar de Cruis connaissent bien.

Un problème de vue l’empêche de continuer comme sapeur actif et il se tourne vers le métier d’infirmier : en formation, il fait une spécialité en psychiatrie et exerce pour la première fois ce métier à La-Roche-sur-Yon, d’abord à l’hôpital psychiatrique puis à l’hôpital général, comme infirmier avec une spécialité psychiatrique, aux urgences et au SAMU. Il a 36 ans.

7 ans plus tard, en 2002, il intègre le SAMU à Carcassonne et y reste jusqu’en 2013. Il s’occupe plus particulièrement de prises en charge psychiatriques et participe avec le Professeur Crocq à la création des cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP), prenant la direction de celle du Languedoc-Roussillon. Il est alors l’infirmier référent départemental et régional.

Au fil des ans, Jean-Luc a obtenu plusieurs diplômes universitaires en parallèle de son activité – médecine de catastrophe (il intervient toujours comme formateur en faculté de médecine), victimologie clinique, expertise légale et droit médico-légal, criminologie (négociateur), et mission d’infirmier de sapeur-pompier. Il a pu mettre en pratique ces différents acquis professionnels à plusieurs occasions, notamment dans le cadre de 3 tremblements de terre (Gènes 1976, Mexico 1985, et Afghanistan 1992), sur les lieux du tsunami de Thaïlande (Phuket 2004), dans le groupe pour la création du 3SM (service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers) en 92 au sein de la Fédération Française des Sapeurs-Pompiers, et dans celui qui a développé les cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) à la demande de Jacques Chirac. Il est par ailleurs coauteur du traité de médecine de catastrophe chez Lavoisier, publié en 2018.

Manuel de médecine de catastrophe

Enfin, comme expert médicolégal il est appelé auprès des procureurs ou des juges d’instruction et au tribunal quand des infirmiers, des ambulanciers, des brancardiers ou des aides-soignants sont en cause – les médecins, eux, sont expertisés par leurs pairs.

Retraité à Cruis

Au moment d’accéder à la retraite, en 2013, la fille de Fabienne et Jean-Luc, Magali, habite le Rocher d’Ongles. Ils cherchent donc une maison dans la région et trouvent d’abord à Peyruis où ils habitent 2 ans, avant de déménager à Cruis plus ou moins en même temps que Magali, en 2016.

Mais dès 2014, Jean-Luc reprend du service comme cadre de santé à la clinique Korian (chaîne sur 5 pays, 77 000 lits…) à Gréoux les bains, où il est le cadre de santé de l’Ehpad et du SSR (service de soins et de réadaptation), fonction qu’il quittera fin décembre 2018.

En même temps qu’il commence chez Korian il entre à la réserve sanitaire comme cadre infirmier. La réserve, c’est un dispositif national qui sert à la gestion des événements sanitaires exceptionnels. Ses membres sont volontaires, mais sans astreinte : comme ils sont volontaires, ils peuvent accepter ou non une mission. Elle compte 30 000 inscrits, et 1 300 réservistes en intervention réelle à tout moment.

C’est ainsi que Jean-Luc est appelé sur les lieux des effondrements d’immeubles à Marseille. Dans le cadre d’une cellule psychologique, il y est confronté à 3 500 personnes (dont des enfants) impactées par l’incident et la vague d’expulsions provisoires ou définitives qui s’ensuivit, révélant le mal logement et la précarité. Il est quotidiennement sur place de novembre 2018 à mars 2019. A la demande de l’ARS (agence régionale de santé) la réserve sanitaire s’est substituée à l’APHM (assistance publique – hôpitaux de Marseille).

Il est aussi intervenu suite au crash d’un Airbus de Germanwings en mars 2015, à Prads-Haute-Bléone, au nord-est de Digne, suite à une action volontaire du copilote de l’avion – prise en charge médico psychologique des familles et de la population.

Jean-Luc avec Léa et Loane, 2 de ses 12 petits-enfants

Campagne du coronavirus

Dans le cadre de la crise du coronavirus Jean-Luc intervient dès janvier 2020, quand le virus est identifié en Chine et le gouvernement prend la décision de consulter tous les arrivants sur des vols provenant directement ou indirectement de ce pays. Les voyageurs atterrissent à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, et on doit prendre leur température. Il est chef de mission et, à ce titre, doit tout gérer : les liens avec ADP (aéroports de Paris), l’ARS, les compagnies aériennes, et le personnel réserviste déployé pour traiter les arrivants. Il organise la consultation des passagers, les examens et l’acheminement éventuel des cas suspects vers l’hôpital de référence en lien avec le SAMU et le SSU (service médical de l’aéroport). Sur le pont de 3h30 le matin jusqu’à 9h, puis de 15h jusqu’à 19h, sept jours sur sept, un mois complet. Il fait ensuite plusieurs autres séjours, mais plus courts.

Quand la présence de la pandémie a été confirmée en France, les équipes de la réserve sanitaire ont été réparties un peu partout dans le pays. Jean-Luc est envoyé à Crépy-en-Valois, dans l’Oise, où le premier mort du virus sur notre sol a été recensé. Il organise des prélèvements sur l’ensemble du personnel, des élèves et des familles sur le collège et le lycée : une trentaine de personnes contaminées sont identifiés. Il passe ensuite à Besançon, puis Mulhouse.

En milieu hospitalier, la mission consiste à prendre en charge tous les personnels de réserve sanitaire et la discussion avec l’hôpital pour placer les ressources en fonction des besoins – logistique, hébergement, transport, soutien psychologique (les personnels voyaient des gens mourir tous les jours et avaient besoin d’accompagnement), prise en charge des malades, renforts avec l’ARS, ainsi que le matériel de sécurité (masques, visières, surblouses, gants – ils ont été obligés de confectionner des surblouses avec des sacs poubelle).

Le référent de mission assume seul ces responsabilités.

Il passe ensuite à Saint-Maurice (près du bois de Vincennes, à Paris) au siège de la réserve sanitaire, pour gérer l’aspect administratif des actions, la recherche des volontaires et préparer la logistique des missions avant de passer la main au référent.

Puis il repart à Creil, pour gérer les missions sur les hôpitaux de l’Oise, de l’Aine et de la Somme (hôpitaux de Creil, Senlis, Compiègne, Beauvais, Château-Thierry et Laon).

Il est rentré à Cruis le 15 juin.

Il peut être appelé n’importe quand. Il s’y attend.

La crise

D’après lui si on ne fait pas attention la propagation du virus va redémarrer. De nouveaux cas arrivent aux hôpitaux tous les jours. Il nous livre son sentiment à ce sujet :

« Les gens devraient prendre conscience que la maladie est toujours là. Il faut continuer à respecter les gestes barrière, porter les masques partout dans les lieux clos, et à respecter les distances de sécurité.

« On se pose la question de la transmission par l’air. Le virus ne supporte pas l’ultraviolet mais sa gaine lipidique le protège. Une grande question demeure : les anticorps sont-ils pérennes ? Il semble qu’après un certain temps le contaminé peut être recontaminé.

« Il n’y a que le vaccin, et la vaccination multiple, qui pourra nous en prémunir.

« Et il faut savoir qu’en ce moment même, il y a d’autres maladies infectieuses qui apparaissent ailleurs dans le monde, et qui tuent. On paye aussi le prix de l’usage exagéré des antibiotiques. »

Le 14 juillet dernier, il était dans la tribune présidentielle.

Jean-Luc Jeannin dans la tribune présidentielle du 14 juillet 2020

Il a reçu une médaille pour son rôle dans la crise sanitaire.

Bouquin et médaille 14 juillet
S’abonner
Notifier de
guest

2 Commentaires
Plus récents
Plus anciens
Inline Feedbacks
View all comments
gaetan challer
4 années passé(e)(s)

Bonjour, Parcours impressionnant, respect à ce monsieur. Respectueusement GC

Michel Duchemin
Michel Duchemin
4 années passé(e)(s)

Ce personnage mérite un grand coup de chapeau pour tout ce qu’il a réalisé et réalise encore, on peut tous en prendre de la graine.
Cruissiennes et cruissiens, lisez ce portrait, il est remarquable.
Merci à lui pour son engagement sans limite.