[tribune] Deux ou trois choses que l’on sait… – Amilure
L’association Amilure, dont la vocation est de défendre la montagne de Lure et le plateau d’Albion contre les projets d’énergie dite renouvelable qui ne respecteraient pas suffisamment notre patrimoine naturel, a voulu corriger un article récemment paru dans La Provence, au sujet, entre autre, du projet de centrale photovoltaïque de Cruis.
Rappelons que la rubrique « Tribunes » de Cruis citoyen est ouverte à tous. En vertu de ce principe, les textes qui y sont publiés n’engagent a priori que leurs auteurs.
Deux ou trois choses que l’on sait du projet de centrale photovoltaïque de Cruis
On trouve dans La Provence du 29 juillet une page consacrée à l’actualité des projets de centrales photovoltaïques industrielles sur la montagne de Lure, plus précisément ceux de Cruis et d’Ongles. Cette page est composée d’un article sur un groupe de résistance à ces projets, « Elzéard, Lure en résistance », d’un entretien avec chacun des maires impliqués et d’un résumé de leur projet respectif. Notre association, Amilure, et son combat y sont cités plusieurs fois.
Pour les abonnés de La Provence, cet article se trouve ici en ligne. Une copie scannée est aussi disponible ici.
Il est utile que le débat sur ces questions fasse surface en étant relayé par la presse, et nous saluons la démarche journalistique. Cependant, certains éléments évoqués dans le texte sont erronés ou incomplets, qu’on doit peut-être au défaut de mémoire des élus, et il nous a paru nécessaire de rétablir les faits. Le public doit se faire une opinion sur ces enjeux aujourd’hui cruciaux, sur la base d’informations avérées et vérifiables.
Pour ce qui est du projet de Cruis, les pages de « Cruis citoyen » semblent le meilleur support pour publier, sous forme de tribune, cet éclairage.
Précision N° 1
« Aujourd’hui, l’ensemble des autorisations a été accordé. »
La dérogation pour espèces protégées, instruite par la DREAL, a fait l’objet d’un avis défavorable de la part du Centre national de la préservation de la nature (CNPN). Le préfet de notre département a cependant décidé de passer outre et d’accorder cette dérogation malgré l’avis des experts.
Il ne faut donc pas comprendre ces autorisations comme la confirmation d’un projet vertueux – au contraire, il a été dénoncé comme dommageable par l’une des plus hautes instances nationales.
Correction N° 1
« Le projet permettrait de produire entre 10 et 12 mégawatts par an, ce qui alimenterait environ 10 000 foyers. »
Un foyer moyen en France consomme annuellement environ 0,5 MWh (megawatt/heure). S’il fallait prendre l’article de La Provence à la lettre, cette centrale alimenterait donc annuellement 20 foyers, et non 10 000.
Mais il y a vraisemblablement confusion dans le texte et ces chiffres correspondent plutôt à une capacité de production qu’à une quantité produite sur une année. En l’occurence, l’étude d’impact du projet précise que la puissance installée (c’est-à-dire sa capacité maximum théorique, en laboratoire et à partir des matériels neufs) sera de 10,66 MWc (mégawatts crête, et non mégawatts par an).
Il est difficile de calculer la production annuelle d’un MWc car cela dépend de plusieurs facteurs. Mais on trouve ici (page Wikipedia sur la grande centrale photovoltaÏque des Mées, tout près de Cruis, qu’on doit manifestement aux promoteurs du projet) qu’une puissance de 100 MWc « alimente près de 12 000 foyers ». Le calcul est vite fait : la centrale de Cruis, pour 10,66 MWc, alimenterait au maximum 1 200 foyers et non 10 000 – et encore, ces chiffres ne sont pas d’origine impartiale et ne prennent pas en compte la déperdition due au transport d’électricité (une tranchée de 15 km jusqu’au poste de transformation de Limans).
Correction N° 2
La photo représentant le site de Cruis dans l’article est de mauvaise qualité, même en ligne :
Cela donne l’image d’une certaine désolation. Pourtant, sur place, on trouve aussi à peu près partout des vues de ce type :
Ce sont des cèdres Atlas qui ont été plantés entre 2008 et 2009, suite à l’incendie de 2004. Après avoir végété pendant quelques années, ils ont pris leur essor et font aujourd’hui souvent dans les 4 mètres, prenant entre 30 et 40 cm par année. Le projet n’est donc pas d’implanter des panneaux photovoltaïques dans une lande dépeuplée mais de défricher une jeune forêt en repousse avancée pour les y placer.
Mais soyons précis. Le site prévu pour l’implantation de la centrale n’est pas homogène : il est constitué de deux zones – deux collines séparée par un ravin, dont une plus à l’ouest et l’autre à l’est :
La colline ouest, à gauche, est pratiquement couverte de ces jeunes cèdres. C’est une forêt en cours de régénération. La colline est est moins boisée.
Correction N° 3
« …des opposants, qui représenteraient « trois ou quatre personnes » sur la commune de 700 habitants »
Une pétition a circulé en ligne contre le projet – c’est ici. 19 000 signatures ont ainsi été recueillies tandis qu’une collecte sur place en a réuni environ 200 autres. Plus de 3 000 signataires en ligne oublient de préciser leur localisation, d’autres sont à l’étranger. Mais en synthèse, sur les deux supports, une centaine sont de Cruis (640 habitants), 400 des environs immédiats (qui seront beaucoup plus impactés visuellement que les Crussiens eux-mêmes), et plus de 2 000 en PACA. Ce sont là des valeurs minimales ne prenant pas en compte les signataires non localisés.
Consternation N° 1
« Quand on me dit qu’on détruit la montagne de Lure ça me fait rigoler »
Que répondre ? On voudrait expliquer qu’il n’y a vraiment pas de quoi rire, mais tout le monde n’a pas le même sens de l’humour.
Correction N° 4
« Cela va nous assurer une pérennité financière pour les 50 prochaines années »
Dans l’étude d’impact précitée, on trouve : « La promesse de bail signée prévoit une mise à disposition des terrains sur 30 ans, construction et démantèlement compris. L’exploitation du parc solaire se fera donc sur environ 25 ans (ou au-delà). »
Sans commentaire.
Précision N° 2
« …le contrat qui « n’est pas encore totalement finalisé » rapporterait « environ 100 000 euros » par an à la Commune et la Communauté de communes ».
Pour le loyer des terrains à la commune, il semble que le tarif habituel soit d’environ 4 000 euros par hectare donc 66,8 K€/an pour les 16,7 ha. Côté recette fiscale, des chiffres circulent sans justification et toute évocation des sommes en jeu reste purement hypothétique.
Corrections diverses
Pour que tout soit dit, l’incendie de 2004 a ravagé 200 ha et non 300 ; le permis de construire, attribué en janvier 2017 a maintenant 3 ans et demi et non 2 ; eu égard aux contraintes environnementales les travaux ne pourraient commencer avant septembre, et non en août ; enfin, ni la mairie ni l’opérateur n’ont proposé des photomontages censés être plus crédibles que ceux qui ont circulé et que dénonce ici le maire de Cruis.
Amilure – Redortiers, le 2 août 2020
Retour au monopole public de l’Energie de la production à la distribution! (service public).
Pas touche à la Montagne de Lure!
mp
Une fois de plus, je ne comprend pas à quoi sert d’interroger des organismes tels que le Centre national de la préservation de la nature (CNPN) si leur avis ne compte pas ?! Pourquoi ne pas gagner du temps en demandant simplement l’avis du Préfet (représentant de l’Etat) ? Et de l’argent… car j’imagine que les gens travaillant au CNPN ne bossent pas pour rien… !
Bravo pour votre blog qui nous informe correctement.
Merci pour votre soutien. Votre remarque est parfaitement juste, et aux coûts opérationnels du CNPN s’ajoutent ceux de la DREAL PACA, qui a instruit le dossier.
Où penseriez vous trouver ces vertus associatives ?
« Son expérience dans le domaine de la protection de la nature, ses connaissances en la matière, et son savoir-faire lui valent en mars 2011 d’être agréée au niveau national au titre d’association de protection de l’environnement par arrêté du Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement… L’engagement en faveur de la biodiversité ne faiblit pas, renforçant la place des adhérents comme premiers écologistes de France… Ils ont été parmi les premiers citoyens à constater et déplorer la destruction des milieux naturels, la dégradation des milieux humides, le déclin des oiseaux et des insectes, etc. Aussi, à leur échelon d’intervention, ils se sont investis pour la mise en œuvre d’actions de restauration et de conservation des milieux naturels. »
Hé bien non, il ne s’agit pas de la LPO ni de FNE. C’est dans les pages du site http://www.chasseurdefrance, le site de la Fédération nationale des chasseurs (pages « nous connaitre » et « Cyn’Actions Biodiv »).
Diable, un tel agrément, ça s’honore ! Chasseurs de Cruis, de Ongles, de Lure, montrez vous ! On remplace la forêt par des centrales électriques !
Richard
eh mais c’est qu’ils se montrent ! aujourd’hui à Paris au Ministère de l’environnement pour défendre la biodiversité, penserez vous à la lecture de ce qu’annonce le site des chasseurs de France , ben non ils défendent le piégeage des oiseaux à la glue . Légère contradiction, non ?
La FNE (France nature environnement) vient de mettre en ligne un questionnaire pour analyser les retours d’expérience sur les projets de centrales photovoltaïques.
Si cela vous intéresse de contribuer, c’est ici.
Merci à Amilure d’avoir remis les pendules à l’heure. Lutter contre l’enfumage (ou l’emboucanage) en cette période de forts risques d’incendie est important.
Merci pour ces commentaires éclairants, sûrement intéressants pour un plus grand public. A mon avis, il serait très important de publier ces informations rectificatives dans La Provence.