[tribune] Stop aux arrêtés
M. Richard Fay, agent forestier à la retraite, nous transmet sa réaction face aux arrêtés municipaux qui accompagnent le chantier photovoltaïque de Boralex, qu’on évoque aussi dans cette chronique des événements récents.
Note : les textes repris, notamment de l’arrêté en cause, ont subi quelques corrections orthographiques pour publication.
Impayable : d’une bizarrerie extraordinaire ou très comique.
Dictionnaire Le Robert
Connaissez-vous cet arrêté de police de la circulation pris par le maire de Cruis, une première version le 12 août, rectifiée le 16 août 2023 ? Il interdit la circulation dans la forêt communale. C’est dommage que vous ne puissiez le trouver sur le site internet de la commune (pas encore ?). Mais il est affiché à l’entrée des chemins ruraux qui mènent à la forêt communale. Vous le trouverez affiché non loin de ces nouveaux panneaux « circulation interdite sauf ayant droit ».
Bizarre ou comique, à chacun de voir – les deux assurément.
CONSIDERANT que la forêt communale de Cruis, compte tenu de sa richesse biologique, n’est pas un environnement ou les véhicules terrestres motorisés ont vocation à évoluer, au mépris de la faune, de la flore ou de l’habitat des êtres vivants ;
Les médisants diront que dans ma forêt je peux juste y faire raser 17 ha pour implanter une centrale solaire. Mais qui aurait pu deviner que ce n’était pas bon pour la richesse biologique ? Hein ? C’était le monde d’avant, c’est fini maintenant.
CONSIDERANT qu’en période estivale, la forêt communale de Cruis est régulièrement traversée de véhicules terrestres à moteurs ne respectant pas l’environnement naturel des lieux ;
Je vous le dis, il y a des colonnes d’estivants en 4×4 qui baladent en forêt, bien plus que le défilé automnal des chasseurs et des ramasseurs de champignons. Bon je reconnais, cet été la forêt communale est surtout perturbée par les véhicules de l’électricien Boralex, par leurs sirènes d’alerte, et par les véhicules de la gendarmerie.
CONSIDERANT qu’il s’avère nécessaire de préserver la tranquillité et la richesse biologique de la forêt communale de Cruis ;
Alors quoi, applaudissez ! Qui n’est pas d’accord ?
A la suite de quoi, la décision est radicale :
Article 1er : l’accès, la circulation et le stationnement des véhicules terrestres à moteurs sont interdits dans la forêt communale de Cruis, à compter de l’entrée en vigueur du présent arrêté jusqu’au 30 septembre 2023, dans le périmètre défini selon le plan annexé au présent arrêté ;
C’est pure coïncidence si c’est pile-poil la période des travaux de clôture des terrains de la centrale électrique.
Article 2 : Les dispositions de l’article 1 ne s’appliquent pas aux véhicules exerçant des missions de service public, aux véhicules utilisés à des fins professionnelles d’exploitation, de gestion, ou d’entretien des espaces naturels et forestiers, ainsi qu’aux véhicules utilisés par les propriétaires des parcelles concernées et à leur ayant-droit circulant à des fins privées sur leur propriété ;
Vous voyez, la vie des forestiers continue néanmoins. Mais au fait, qui sont les ayants droit crussiens de la forêt communale ? La forêt communale étant la propriété privée de la commune, les ayants droit seraient : 1) les membres du conseil municipal ? 2) chaque habitant de la commune ? 3) … ? Voilà une bonne question, et surtout une réponse à trouver d’urgence, avant le 10 septembre, qui est la date d’ouverture de la chasse.
Article 3 : Le fait de contrevenir aux interdictions de circulation fixées par le présent arrêté est passible de sanctions pénales et administratives prévues par l’article 3.362-1 du code de l’environnement, à savoir :
– une amende prévue pour les contraventions de 5e classe (jusqu’à 1500€) ;
– une immobilisation administrative ou judiciaire du véhicule ;
Passons sur la coquille de l’article « 3.362-1 », à lire article « R.362-1 ». Intéressons-nous plutôt au code des collectivités territoriales, à l’article L2213-2 :
Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement :
1° Interdire à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures ou de manière permanente, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules ;
Ainsi l’arrêté aurait dû préciser les voies publiques concernées par l’interdiction, et non fixer un périmètre de réglementation. Car c’est au représentant de l’état, le préfet, qu’échoit le pouvoir d’interdire la circulation sur un périmètre donné, le périmètre habituel étant celui des massifs forestiers pour cause de risque incendie (code forestier articleL131-6 ; code des collectivités territoriales L2215-1).
Intéressons-nous aussi à la contravention de 5e classe. C’est une contravention qui sanctionne la circulation hors des voies ouvertes à la circulation des véhicules à moteur, c’est-à-dire hors des voies classées à la circulation dans le domaine public et des voies privées ouvertes.
Est-ce adapté ? Légal ? A vérifier, mais probablement pas vu que l’arrêté préfectoral de son côté ne sanctionne l’interdiction de circuler sur une route fermée temporairement que d’une prune de 4e classe (amende forfaitaire de 135€).
Intéressons-nous enfin à la gestion des biens communaux, puisqu’il s’agit de la forêt communale de Cruis. On apprend à l’école de l’administration le code des collectivités territoriales, notamment cet article L2241-1 : « Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune ».
Ce pouvoir réservé au conseil municipal est réaffirmé par la jurisprudence administrative, dans une décision du Conseil d’Etat 273861 du 16/12/2005 concernant la commune d’Arpajon.
C’est donc au conseil municipal d’interdire la circulation sur la forêt communale, ça ne dépend pas du pouvoir de police du maire. Et l’arrêté signé par le maire aurait dû s’appuyer sur une décision du conseil municipal pour être valable.
En résumé, en plus de prêter à amusement sur les motivations, cet arrêté mal foutu est sans valeur juridique. Arrivé à la fin de mes recherches, je me rends compte que ce texte fou est produit par des administrations, communale et préfectorale, et qu’il a été de plus mis en œuvre par des officiers de gendarmerie à l’occasion des manifestations contre la centrale photovoltaïque. C’est sidérant.
Dans cette affaire, il n’y a guère que le panneau B7b qui pourrait être conforme, mais encore à condition qu’il s’appuie sur une bonne délibération du conseil municipal et qu’il soit placé à l’entrée des chemins privés de la forêt communale :
je viens de tomber là-dessus: la phrase « après consultation de la population » m’a sauté aux yeux!
https://www.cruis.fr/2023/09/les-dernieres-directives-concernant-les-energies-renouvelables/
Merci à notre ami ex forestier, mais apparemment toujours amoureux des arbres, pour son texte instructif et richement documenté À n’en pas douter son travail lui aura sûrement pris plus de temps qu’un commentaire acerbe balancé comme “un cheveu dans la soupe…”😂
Ou sinon, on considère que la commune tente de faire de son mieux pour empecher les imbéciles chevelus de venir emmerder le monde
Merci pour votre commentaire. On pourrait croire cependant qu’il existe des moyens légaux pour que la commune exerce ses prérogatives. Autrement, votre référence aux chevelus nous rappelle le siècle dernier – c’était le bon temps… 🙂 (Attention par contre à ne pas vexer certain membre de notre conseil municipal.)
merci cruis citoyen! Quand les arguments manquent, l’homme insulte!
un commentaire plein de pertinence!!! vous êtes discriminant!
Sidérant (qui étonne énormément – dictionnaire Larousse) oui et en même temps ma foi, cette galéjade n’étonne pas si énormément un Crussien qui est habitué. Pour en savoir plus achetez le dernier livre de Félix Morovivant Raviver les braises du dérèglement aux Editions Le Fossoyeur, dans toutes les bonnes librairies de Cruis.
NB : cruis.fr ou cruis-yarienla.fr, c’est la même adresse en fait.